Villa dans une érablière des Cantons-de-l'Est

Le Chic au Naturel

Date de réalisation

2013

Chargé(e) de projet

Audrey Ferron

Photos

Paul-André Larocque (Punk Studio)

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Clients : couple avec deux ados, collectionneur d’art et habitué du bottin mondain

Après avoir succombé aux attraits d’une érablière dans la région de Magog, le premier geste du client fut de démolir la maison de l’ancien propriétaire, un bâtiment en pierres des champs datant des années 50, pour ne conserver que la salle à manger. Le second, de s’adresser à un constructeur local, avec mission de concevoir une architecture dérivée de la stucture d’origine.  Sauf qu’entretemps, le couple a pu apprécier la compétence de René Desjardins (voir Arte & Moda). La carcasse est déjà définie mais lui saurait la faire évoluer vers quelque chose d’exceptionnel.

Fort adroitement, le client aborde le sujet par une question d’apparence anodine : « Veux-tu voir les plans de ma maison de campagne? » Ce qui devait arriver arriva, très vite René Desjardins se pique au jeu. Il suggère entre autres de multiplier les ouvertures sur l’extérieur pour laisser entrer la nature de toutes parts. D’agrandir en profondeur et en hauteur la cuisine, poste stratégique dans cette maison où le couple a l’intention de beaucoup recevoir à dîner. Propositions validées sur-le-champ.

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Au moment d’organiser l’espace intérieur, les choses se corsent.  Le propriétaire souhaite un rez-de-jardin ouvert, façon loft, le designer soutient que les fonctions doivent être hiérarchisées, « sinon c’est le capharnaüm assuré ». Les deux protagonistes tombent finalement d’accord pour un plan cloisonné, qui permettra néanmoins une vision d’ensemble des pièces en enfilade grâce aux larges baies ouvertes dans les murs.

Une contrainte persiste : l’entrée s’ouvre directement sur un escalier impossible à délocaliser pour raisons structurales. Comment inciter les invités à se diriger dès leur arrivée vers le point des réjouissances, à savoir la cuisine? En créant un cellier lumineux, qui agit comme un aimant à travers le salon.  Effet renforcé par le bar potiron, seule tache de couleur vive – hormis les tableaux – dans un décor entièrement tapissé de chêne blanc d’Amérique, des parquets teintés anthracite aux murs et plafonds blanchis.

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Point d’équilibre parfait entre quasi dénûment et sensualité raffinée, le projet à première vue tranche avec l’idée qu’on se fait d’un chalet.  Un sentiment d’imperceptible apesanteur s’installe, dû à de petits détails qui allègent l’archictecture. Aucune plinthe ne marque le raccord sol/mur, le vide des passages, par contre, est souligné d’une fine moulure foncée, les portes des pièces annexes (séjour, salle de toilette, vestiaire, mudroom) se fondent dans les murs et la rampe d’escalier transparente joue la fille de l’air.

Peu à peu on réalise que ce cocon de bois, fait de planches et de poutres, de pierre et de rotin, suit bel et bien les codes déco du chalet en forêt. La grande différence, c’est que le naturel rustique se révèle ici discrètement cossu et radicalement actuel.  En plus de créer une immédiate sensation de bien-être, l’utilisation du bois comme seul matériau unifie les pièces de réception, les inscrits dans une continuité homogène, libre et légère où transparaît l’esprit loft, conforme aux voeux du client.

« Veux-tu voir les plans de ma maison de campagne? »

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Dans la salle à manger, seul vestige de l’ancien bâtiment, les solives sont peintes noir mat et sur la monumentale cheminée d’époque l’encadrement de foyer, en pierre calcaire boulonnée, apporte une touche industrielle inattendue. Fidèle à la tradition, elle est parée d’un trophé d’orignal dont la présence bouscule, non sans ironie, l’ameublement ultracontemporain de cette pièce aussi dépouillée que le réfectoire d’un monastère.

À l’opposé, le salon joue la carte atmosphère intimiste. Répartis sur un grand tapis en fibre de bambou bouclée, canapés en lin, fauteuils aux assises basses et confortables pour une relaxation maximum, avec roulettes pour plus de flexibilité, tables d’appoint à profusion forment des ilôts qui invitent à se poser, lire, bavarder sous des lampadaires articulés ou des lampes à poser en branchettes.  Encore là, rien que l’essentiel, mais exprimé avec beaucoup d’égards.  Et bien sûr, une circulation fluide de l’entrée vers la cuisine-bar.  

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Fine cuisinière, la propriétaire avait été formelle : « D’accord pour partager avec le bar, mais je ne veux personne autour de mes casseroles. Ça me déconcentre ». Aussitôt exigé, aussitôt conçu. Les deux zones, publique et privé, se font face, séparées par le no man’s land subliminal que constitue l’aire de circulation entre salon et salle à manger. La double hauteur de plafond côte cuisine accentue la différence, le mur verrière aussi. Au centre, le plan de travail où officie la chef. Ceci est plus qu’une cuisine de pro, c’est la mise en scène d’un théâtre gastronomique. Bien audacieux celui qui viendrait distraire la star de la soirée.