Maison d'une banlieue chic de Montréal
Iron Lace
Date de réalisation
2012
Chargé(e) de projet
Anne-Joëlle Chamberland
Ingrid Savage
Photos
André Doyon
Prix Design
Client : couple qui aime faire la fête, amateur d’art contemporain, parents de trois jeunes adultes
50 ans, l’âge décisif. Il suffit parfois d’un déclic, et brusquement on a envie d’autre chose. Pour Lui – car de l’aveu même de son épouse, ce projet est le sien – le déclic a pris la forme d’une œuvre de Ken Lum, Stop Living In The Past. Jusque-là plutôt conservateur, il décide de se "contemporanéiser", se met à fréquenter les galeries d’art actuel, s’intéresse au design. Dans la foulée, il fait appel à René Desjardins dont il a apprécié le travail chez des amis.
Choix judicieux. Le designer, qui se qualifie « d’épurateur, non de puriste », s’oppose aux dogmes du minimalisme. Son manifeste du "Less is More" s’accompagne toujours de confort, de sensualité, de fonctionnalité. Mais aussi – et peut-être surtout - les aménagements qu’il crée collent parfaitement à la personnalité et au style de vie des occupants.
De la rue, la nouvelle maison se fond dans le paysage bungalows. Un seul niveau, façade à long pan, toiture en double pente … rien ne manque. Bien malin qui pourrait deviner qu’elle abrite de grands volumes répartis sur trois niveaux. Car si l’architecture initiale a été conservée, le plan intérieur doit tout à l’inventivité du concepteur, relayée par des travaux titanesques. C’est ainsi que la pente arrière de la toiture, invisible de la rue, est surélevée pour récupérer les combles. Que le sous-sol, excavé au-dessous de la nappe phréatique, gagne une hauteur de plafond hors du commun qui le rend agréable à vivre. Qu’un espace habitable a été aménagé sous le toit du garage, et que les pièces étriquées de l’ancien plain-pied ont fait place à un espace entièrement ouvert, digne d’un loft industriel.
Caractéristique du style Desjardins, les circulations d’une belle fluidité sont ici pensées de manière à ce que la cohabitation se déroule harmonieusement, entre parents mondains et grands enfants en quête d’autonomie. Dans le vestibule attenant au garage, un escalier à poutrelles d’acier et verre donne accès tant à la suite des invités qu’au sous-sol, où les garçons bénéficient d’une complète intimité, tout en profitant du séjour, du hammam avec salle de bains et du gym maison.
Le hall du rez-de-chaussée plante le décor. Vaste, nu, avec le jardin pour ligne d’horizon et un spectaculaire escalier en dentelle d’acier anthracite, « Il en impose, admet le designer. Comme le propriétaire… ». Malgré – ou à cause de – leur sobriété quasi muséale, l’impression de bien-être qui se dégage des lieux est immédiate, tandis que l’unité des matériaux et des couleurs établit les codes d’une simplicité "chiquissime". Au noyer des parquets répondent les marches des escaliers, l’huisserie des portes et les tables d’appoint, une pierre anthracite identique habille la cheminée et les salles d’eau, l’inox patiné de la cuisine s’aiguise au contact des piètements métalliques du mobilier.
« C’est une belle rue calme, bordée d’arbres et de bungalows des années 60. En revanche, celui acheté par les clients était dans un tel état de délabrement qu’il en devenait irrécupérable. La municipalité nous a donc accordé un permis de démolition, à la stricte condition que le bâtiment neuf respecte le plan d’origine. Un véritable casse-tête, puisqu’il fallait tripler la surface habitable pour répondre aux besoins de la famille. Lui, grand, costaud, extraverti voulait un espace à la mesure de sa taille et de son comportement. Elle, pragmatique comme savent l’être les femmes, insistait sur la facilité d’entretien et le maximum de rangements. »
Juste rehaussé des quelques rayures multicolores du tapis, l’indémodable blanc et noir, dont la rigueur est temporisée par un camaïeu de gris chauds, prend un relief inattendu grâce à une mise en scène ultra-graphique. De fait, cette palette neutre sert de canevas aux œuvres signées Jim Campbell, Simen Johan, Koka Ramishvili et Marc Seguin, prémisses d’une collection qui s’annonce prometteuse. Ainsi en va-t-il de la discrétion des tringles lumineuses, unique source d’éclairage avec les niches prévues pour recevoir éventuellement des sculptures. En verre rétroéclairé, elles occupent sur deux étages un mur entier que traverse, tel un coup de tonnerre, le garde-corps "Iron Lace" de la coursive desservant les pièces privées du couple.
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16Fidèle aux spécifications, le rez-de-chaussée joue double jeu : espace à vivre et salle des fêtes. Le DJ peut installer son matos sur l’immense îlot de la cuisine, il reste encore de la place pour y aménager le bar. Une fois retirées les allonges de la table et rangées les chaises dans l’un ou l’autre des multiples placards, une soixantaine de personnes tiennent facilement à l’aise, compte tenu de la rareté du mobilier. L’épuration comme incitatif au party : on aime!
Collaborateurs : Julien Bélanger Carrière architectes, Jean-Luc Charbonneau (design de jardins)